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29.06.22

publicité des alcools, commentaires

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LETTRE D’INFORMATION

Zone de Texte: A Paris,  le 9 septembre 2021

s.salembien@salembien-avocat.com

 

 

    Publicité sur les alcools, focus sur l’arrêt de renvoi du 15 juin 2021 après cassation

 

 

 

Nous le savons, la loi Evin n’interdit pas la publicité sur les boissons alcooliques (à la différence de la publicité sur le tabac), elle la règlemente dans le but de prévenir l’addiction à l’alcool, en particulier chez les jeunes.

 

Ainsi, le Code de la santé publique énumère de façon limitative les supports de publicité autorisés (article L3323-3) et les contenus de la publicité autorisés (article L3323-4), si bien que les débats en justice sur la publicité licite portent couramment et classiquement sur l’un et/ou l’autre de ces aspects.

 

L’Association National de Prévention en Alcoologie et Addictologie (ANPAA), qui est devenue plus simplement Association Addictions France, surveille particulièrement l’application de la loi en menant une veille sur les publicités diffusées.

 

C’est à l’occasion d’une procédure engagée par l’ANPAA contre la société Kronenbourg, dans une affaire qui se rapporte à la publicité de ses bières Grimbergen (films publicitaires intitulés « La légende du Phoenix », et « Les Territoires d’une légende », jeu vidéo «Le jeu des territoires »), que la Cour de cassation s’est prononcée sur leur validité, dans un arrêt du 20 mai 2020.

 

La Cour de cassation a cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Paris du 13 décembre 2018 en soulignant que « si la publicité pour les boissons alcooliques est licite, elle demeure limitée aux seules indications et références spécifiques spécifiés à l’article L.3323-4 du Code de la santé publique précité, et présente un caractère objectif et normatif, lequel ne concerne donc pas seulement les références relatives à la couleur et aux caractéristiques olfactives et gustatives du produit » (C. cass. civ. 1ère , 20 mai 2020, n°19-12278).

 

A notre sens, la cassation est logique car la Cour d’appel s’était aventurée dans une interprétation peu convaincante de l’article L.3323-4 du Code de la santé publique, qui pourtant clair ne prêtait pas à interprétation.

 

Au surplus, celle-ci conduisait à faire peu de cas de la jurisprudence dominante de la Cour de cassation, et des juges du fond, retenant que le contenu autorisé de la publicité sur les boissons alcooliques doit être objectif, ce qui a toujours valu pour les mentions sur l’indication du degré volumique d’alcool, l’origine, la dénomination, la composition du produit….., de l’alinéa 1 de de l’article L.3323-4 du Code de la santé publique.

 

Ainsi, la Cour de cassation prend soin de citer dans son arrêt du 20 mai 2020 sa décision du 1er juillet 2015 à propos de la campagne du Conseil Interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB), d’où il ressort que la loi Evin exige « une représentation objective du produit » qui n’est pas exclusive d’une « impression de plaisir », qui « ne dépasse pas ce qui est nécessaire à la promotion des produits et inhérent à la démarche publicitaire proprement dite » (C. cass. civ. 1ère, 1er juillet 2015 n°14-17368).

 

 

D’ailleurs, la jurisprudence plus ancienne mettait déjà l’accent sur cette exigence d’un message publicitaire qui doit se borner à « la reprise des caractéristiques objectives et techniques du produit », ou « aux éléments qui se rattachent à l’une des informations limitativement énumérées par l’article L.3323-4 du Code de la santé publique », « à l’exclusion de toute connotation attractive » (par exemples, C. cass. civ. 25 juin 1998, n°96-10397 ; C. cass. crim. 29 novembre 2005, n°05-81189 ; CA Versailles 18 mai 2007 confirmé par C. cass. crim. 14 mai 2008, n°07-86055).

 

L’intérêt de cette affaire me semble plus résider dans l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Versailles, cour de renvoi, en date du 15 juin 2021 pour les raisons suivantes (CA Versailles, 15 juin 2021 n°20/02757).

 

 

1.            La Cour d’appel de Versailles déclare illicite les films publicitaires et notamment celui « Les territoires d’une légende » qui rappelle la série « Games of Thrones » au motif que « ce film est manifestement esthétique, attractif et destiné à donner une image valorisante de la bière Grimbergen et à inciter à sa consommation », ajoutant qu’il ne se limite pas « aux seules caractéristiques objectives » énumérées à l’article L3323-4 du Code de la santé publique, et concluant « qu’il s’ensuit que ce film, qui ne se veut pas informatif, contrevient aux dispositions de l’article L3323-4 du Code de la santé publique ».

 

La solution est ainsi clairement confirmée, la seule publicité licite est celle qui se limite aux caractéristiques objectives du produit énumérées par la loi, elle doit présenter un caractère objectif et informatif limité aux seules indications et références spécifiées par l’article L3323-4 du Code de la santé publique.

 

2.            La Cour d’appel de Versailles s’est aussi prononcée sur la licéité du « jeu des territoires » qu’elle décrit comme montrant une carte avec des territoires fictifs sur lesquels il est possible de cliquer pour accéder à des jeux différents, ce faisant l’internaute accède sur une barre d’espace et apparait un verre de bière rempli à ras bord.

 

Elle juge ce jeu illicite car « De telles indications, en particulier fictives, ne sont manifestement pas conformes aux exigences de l’article L3323-4 du Code de la santé publique puisqu’elles ne fournissent pas des informations objectives sur l’origine du produit ou le terroir de production de celui-ci ».

 

Elle ajoute que ce jeu est d’autant plus illicite qu’il « consiste à inciter principalement le jeune public à consommer cette boisson », « sans aucun contrôle ou frein pour jouer », et qu’il ne respecte donc pas l’exigence sur la destination du support internet de l’article L3323-2 du Code de la santé publique.  

 

Il est ainsi intéressant de souligner que le principe même d’inciter à la consommation d’alcool par l’organisation d’un jeu faisant la promotion d’une bière n’est pas en soit interdit.

 

C’est déjà ce qu’avait jugé la Cour d’appel de Paris à propos d’une loterie dont le lot consiste en des bouteilles de Champagne, le juge soulignant que seule la communication autour de l’opération est soumise au régime légal des publicités en faveur de des boissons alcooliques, le jeu lui-même étant soumis aux dispositions du code de la consommation, qui n’interdit nullement de tels lots (CA Paris 3 décembre 2020 n°18/15699).

 

L’organisation d’une loterie comportant comme lot une boisson alcoolique n’est donc pas interdite.

 

3.            La Cour d’appel de Versailles octroie enfin à l’ANPAA une indemnité de 50 000 € sur les 70 000 € demandés en réparation de son préjudice.

 

C’est à notre connaissance l’une des plus importantes allocation de dommages et intérêts en faveur de cette association, qui a mis en avant les efforts financiers et humains qu’elle fournit pour faire respecter la législation et la remise en cause de ces efforts par la publicité litigieuse, « de nature à générer un sentiment de découragement auprès de ses membres ».

 

La Cour d’appel lui reconnait ainsi la réparation de ce préjudice moral.                

 

 

 

                                                                                                              

 

Stéphane SALEMBIEN

 

 

 

 

 

 

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